L’Education d’un Malfrat (Edward Bunker)

Voilà un auteur recommandé par Olivier Marchal comme une référence du polar. Je n’ai pas été déçu. Après Aucune Bête aussi Féroce, je me suis lancé sur l’Education d’un Malfrat, autobiographie de Bunker publié dans l’excellente collection Rivages Noir dirigée par François Guérif.

Personnage haut en couleur, casse-coup, impétueux, à la fois barré, malin et cérébral, Bunker raconte son parcours à Los Angeles. Il y a d’abord l’enfance brisée très tôt par le divorce de ses parents, lui machiniste, elle danseuse ; avec le pensionnat où il commence sa carrière de fauteur de troubles, puis l’école militaire où la fugue devient une solide habitude, le foyer Mayfair. En lutte contre toute forme d’autorité, son seul engagement est la recherche de la liberté, le vagabondage pour mieux découvrir la vie à travers les rues de la ville et les films au cinéma. Les grandes trajectoires de la vie se dessinent par de petites choses qui s’accumulent. Pour lui, les petits larcins familiaux le conduisent à la prison juvénile où il bascule dans la sauvagerie. Le cycle s’enclenche alimenté par un caractère irréductible et frondeur et le mène au pénitencier de Saint Quentin.

Il faut vous dire qu’un taulard de Saint Quentin qui mentionne le père Theillard de Chardin, Victor Hugo et Françoise Sagan est quelqu’un hors du commun. Car, oui, Bunker ne fait rien comme les autres. Ainsi pour démarrer en littérature, il se paye des cours par correspondance en prison ; et pour ça, il vend son sang.

 » Je me souviens de m’être posté sur le balcon (…) et d’avoir contemplé la plaine des lumières de la ville, avec la voix d’Ella Fitzgerald qui chantait The Rodgers and Hart Songbook. (…). Le monde s’étendait à mes pieds. J’étais roi de tout ce que mon regard embrassait. »

C’est bien ça, la vitalité qui traverse le livre, chaque ligne est une pulsation, le flux sanguin irrigue à travers l’encre un récit dense et chargé d’humanité.

Bunker pense à Cervantes et Dostoïevsk dont l’oeuvre doit aussi beaucoup à la geôle. Six manuscrits oubliés, le septième sera publié.

Après vingt ans de prison, virage à 360 degrés : il publie quelques romans à succès, il est recruté pour des petits rôles au cinéma et croise Dusting Hoffman, Quentin Tarentino, Chiara Mastroianni, Andrei Konchalovski, Walter Hill. La bête s’est-elle assagie ?

« Mais pour l’instant, mieux valait être recherché que capturé. Mieux vaut être fuyard que taulard. L.A., me revoici. »

Référence pour James Ellroy, Edward Bunker a par rapport à lui l’avantage de nourrir ses récits d’un vécu authentique. Les coups dans le ventre, la lueur des couteaux, le bruit des armes à feu, les courses poursuites, il a connu tout ça. Le style alerte et réaliste ne sacrifie pas à la qualité de l’écriture et des idées. Riche en personnages secondaires, on voit l’itinéraire d’un homme qui aurait pu être brisé par le système et qui se redresse, cherche son chemin sans se renier.

Thomas Sandorf

Bonus :

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