On était des loups (Sandrine Collette)

Tout a commencé par un loup qui menaçait les bêtes. Et puis un ours qui est venu tuer Ava. Liam le chasseur la retrouve, son corps recroquevillé pour protéger Aru, leur enfant de cinq ans, et son monde s’effondre. Alors s’encombrer de ce gamin qui ne comprend pas ce que la mort a de définitif, s’occuper du bétail ici, chasser les cerfs quand bon lui semble, cette vie de solitude dans la montagne, cette vie qu’a choisi Liam, ce n’est juste pas envisageable. Et puis ce gosse, il lui rappelle qu’Ava est partie. Il faut s’en débarrasser. Vite le confier à quelqu’un d’autre.

Une nouvelle fois, Sandrine Collette s’empare d’une idée simple et déploie son histoire au sein d’une nature écrasante pour l’homme. Un espace non défini mais qui pourrait être les Rocheuses ou le Canada. Liam, le narrateur, est confronté à des dilemmes qui s’enchainent et le ramènent au plus près de la frontière qui fait qu’un individu est grand ou juste misérable.

C’est un voyage initiatique où le chasseur apprend à être père et enfante l’amour filial comme Ava avait enfanté Aru. Conteuse hors pair, Sandrine Collette embarque dès la première phrase, manie le suspense et ballade le lecteur dans un ascenseur émotionnel.

Car l’enfant, ne vous y trompez pas, est un révélateur. La piste (« un sacré bout de chemin caillouteux ») est longue, on y trouve des bêtes sauvages peut-être moins dangereuses que certains hommes. Si bien que Liam d’ailleurs ne terminera pas indemne son chemin.

C’est la Route, mais version plus soft, avec une beauté étrange où la nature joue sa partition alors que l’auteur prend soin de ne pas s’y attarder. Cette nature donne le cadre, mais ce qui compte ici ce sont les actes et la parole du narrateur comme dans long monologue.

Par touches successives, sortant de la bouche rageuse de Liam, dans des phrases sèches comme celles de Cormac McCarthy, la poésie jaillit au détour de phrases désespérées et peu à peu le ramène à l’existence. Non pas à la vie, mais à ce rythme battant du coeur au propre et au figuré. Et le père comme le fils peuvent enfin hurler avec les loups dans la nuit. Et la pénombre s’éclaire.

Thomas Sandorf

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